FOCUS
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La Source, produit par Nolita, un exemple de placement de causes au cinéma
Avec Nolita, et Impact Film, partenaires de l’Observatoire des images, respectivement société de production et structure d’investissement, pour du contenu fictionnel comme documentaire à destination du cinéma, de la télévision et des plateformes.
En synthèse : Sans transformer l’intégralité de la production cinématographique en un cinéma dont l’agenda est ouvertement engagé, le placement de causes permet d’assurer que la narration d’un film ne véhicule pas des stéréotypes et clichés, et de montrer des personnages dans des rôles qui sortent des sentiers battus.
L’écriture d’un scénario de film constitue une étape majeure de la fabrication d’un film. C’est à ce niveau que se négocient ses idées, valeurs et représentations. Tout au long de ce processus ont lieu des échanges entre scénaristes et équipe de production.
Dans ce cadre, Impact Film propose un outil nouveau : le placement de causes. Là où d’autres placent des produits commerciaux à l’écran, la structure d’investissement travaille à ce que les représentations permettent d’ouvrir les imaginaires notamment en ce qui concerne la diversité et l’émancipation des femmes.
Le film La Source (Rodolphe Lauga, 2018), produit par la société Nolita, raconte le parcours de Samir, jeune homme vivant en banlieue qui souhaite devenir champion de surf, mais ne sait pas nager. Dans le cadre de l’écriture du scénario, l’équipe a décidé de modifier certaines scènes pour rendre le film plus riche, et moins en proie à de représentations stéréotypées.
La Source n’est pas un film revendiqué comme politique tourné vers les questions de diversité, ou conçu en dehors des schémas cinématographiques classiques sur les plans formels et narratifs.
Pourtant, à travers les images que le film véhicule, il se distancie des représentations que l’on retrouve traditionnellement dans le cinéma français, au moins sur trois thèmes : la place des femmes, l’homosexualité et les inégalités sociales.
« Le placement de causes, très simple à mettre en œuvre, contribue à construire des imaginaires plus à mêmes de refléter le monde d’aujourd’hui. Cela peut rendre l’expérience créative et les films encore plus riches ! »
Romain Rousseau et Maxime Delauney, producteurs chez Nolita
LA PLACE DES FEMMES
Sans promouvoir explicitement le féminisme, le film présente des scènes avec personnages féminins forts (les querelles avec la sœur de Samir, la rencontre amoureuse…).
Toutefois, dans le scénario initial, la mère de Samir, personnage secondaire, ne faisait pas l’objet d’un développement particulier.
Le placement de cause a consisté à renforcer l’arc narratif qui la concerne, pour qu’elle apprenne à son fils à cuisiner, puisse ainsi dégager du temps, quitter la cuisine et suivre son rêve : passer le permis.
L’HOMOSEXUALITE
Plusieurs scènes du film montrent des insultes homophobes dont est victime l’entraîneur de Samir ancien champion du monde de culturisme.
Cette attitude masculine stéréotypée est montrée pour ce qu’elle est : une composante inconsciente d’un répertoire identitaire, un langage générique utilisé par automatisme.
Le placement de causes à consister à mettre en scène l’évolution des personnages vis-à-vis de cette question : des jeunes prennent ainsi progressivement la défense de l’entraîneur. Dans une scène, plusieurs amis de Samir vont même jusqu’à nettoyer les insultes homophobes qui ont été taguées sur la porte de son appartement.
LES INÉGALITÉS SOCIALES
Ni oppressante, ni miséreuse, la banlieue est dépeinte comme un simple contexte urbain dans laquelle évolue le héros et sa famille.
Dans la version initiale du scénario, Samir souhaite devenir surfeur car exercer le métier de plombier lui semble une impasse.
Le placement de cause à consister à souligner les conditions pénibles du travail et le rapport de classes dans l’exercice de sa profession.
Ainsi, en plein contorsion pour réparer des toilettes bouchées, Samir subit les remarques condescendantes de l’une de ses clientes. Au lieu de valoriser le travail manuel et le savoir-faire du héros qui va la sortir d’affaire, elle n’hésite pas à le prendre de haut.
UN OUTIL AUX MULTIPLES FACETTES
Ainsi, loin de dénaturer l’œuvre ou de transformer sa structure globale, le placement de cause permet d’enrichir le scénario et d’en gommer les clichés. Au-delà de l’écriture, c’est aussi sur le casting que peut s’opérer le travail : qu’un acteur issu de la diversité puisse par exemple jouer le rôle d’un avocat, d’un artiste d’un banquier ou d’un député, plutôt que d’être assigné à celui de délinquant ou d’agents de sécurité.
L’Observatoire des images, créé en 2021, est le premier organe associatif regroupant celles et ceux qui s’intéressent au rôle des images au cinéma, à la télévision, dans les jeux vidéos et dans les publicités, notamment sur Internet. Convaincu.e.s que les images peuvent figer les représentations et enfermer dans des stéréotypes, ou au contraire permettre l’émancipation et ouvrir le champ des possibles, les partenaires de l’observatoire se sont réunis pour réfléchir et agir ensemble, que ses membres travaillent dans la production, la distribution, le financement, la communication, la recherche, les institutions…
Les objectifs de la coalition sont notamment de : sensibiliser les pouvoirs publics, les professionnels et le public ; développer la recherche sur la réception des images et mettre en lumière les travaux existants ; agréger et soutenir les pratiques professionnelles ; valoriser les projets et les équipes soucieux de lutter contre les clichés.
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